Pas difficile d’être poli
Je crois être assez bien élevé. On ne m’entend jamais dire de grossièretés, car j’ai cela en horreur. Je n’empêche pas mes voisins de dormir, même si la réciproque ne se produit quasiment jamais. Et lorsque je joue du piano, j’écoute le résultat au casque, ce qui coupe automatiquement les haut-parleurs : mes voisins ignorent que je possède un assez bon piano.
Malgré cela, il y a des choses que je m’abstiens de dire :
- en aucun cas, je ne dis « Bon appétit », ou « Enchanté » lorsqu’on me présente à un inconnu, parce que, au contraire de ce que croient la majorité de nos contemporains, ces automatismes sont des manières de ploucs ;
- dans le métro, quand je suis assis, je ne me lève pas pour proposer mon siège à une personne handicapée, parce que je suis assez bien placé pour savoir qu’elles ont, elles aussi, horreur de cette pseudo-politesse, laquelle ne fait que souligner leur handicap ;
- jamais je n’embrasse quelqu’un que je ne connais pas, sous le prétexte que nous sommes de sexes différents ;
- si, dans une file d’attente à la caisse d’un magasin, la personne qui se trouve derrière moi n’a qu’un article à payer alors que j’en ai beaucoup, je la laisse passer, au contraire, apparemment, de ce que je fais dans le métro, parce que, dans ce cas, on ne souligne pas une infirmité ;
- le 1er janvier et les jours suivants, je ne dis à personne « Bonne année », et ne présente mes « vœux » à personne, car user de ces clichés serait prendre les gens pour des imbéciles qui croient que les souhaits se réalisent ;
- et si, dans la rue, un touriste me demande le chemin de Notre-Dame, je ne m’amuse pas à l’envoyer au Sacré-Cœur. S’il cherche un autre monument dont j’ignore où il se trouve, je dis immédiatement que je ne sais pas.