Les humoristes qui font autre chose
Je viens de visionner le spectacle d’un autre humoriste que Coluche, enregistré à Avignon (je refuse d’écrire « en Avignon », non mais) ! Il s’appelle Victor Solaro, mais vous ne le connaissez pas sous ce nom, car il a pris un pseudonyme, Artus.
Bien, je devine que vous ne connaissez pas non plus Artus. Pourtant, vous l’avez probablement vu, mais dans un autre emploi qu’humoriste : c’était dans la dernière saison de ce feuilleton à succès de Canal Plus, Le bureau des légendes. Il y interprétait le personnage d’un agent de la DGSI, envoyé notamment en Turquie pour tenter de faire parler un djihadiste détenu par les Turcs. Rôle assez dramatique d’un homme plutôt obèse et parlant arabe ou une langue voisine, et qui était très efficace. Il s’y révélait bon comédien. Son spectacle d’humour sur scène, en revanche, ne m’a pas emballé. Il pratique beaucoup l’interpellation des spectateurs, mais en beaucoup moins bien que Kheiron, qui est un maître et improvise la totalité de son spectacle, qui, donc, change chaque soir. Kheiron est d’origine iranienne, et il est aussi réalisateur de cinéma (il a fait deux films, Nous trois ou rien et Mauvaises herbes, celui-ci avec Catherine Deneuve).
À vrai dire, des humoristes qui font autre chose, ce n’est pas rare : souvenez-vous de Coluche, qui a tourné Tchao pantin en 1983. Fernandel avait été la vedette de Meurtres, film très dramatique de Richard Pottier sorti en 1950, où il enthanasiait sa femme, malade incurable (hélas, le public, dérouté, riait à le voir dans une scène où il pleurait). Hippolyte Girardot, qui a débuté comme acteur, est aussi humoriste sur France Inter, dans l’émission Par Jupiter. José Garcia a été la vedette du film de Costa-Gavras Le couperet. Bourvil a joué le personnage principal dans Le cercle rouge, de Jean-Pierre Melville, qui n’était pas un rigolo. Patrick Timsit a été Landru pour un téléfilm, Désiré Landru. Tom Villa, qui a sa place dans l’émission de France Inter La bande originale, a joué un avocat dans la série télévisée Munch, et Stéphane Guillon, dans le même feuilleton, est un homme doté d’un fils qui le renie.
Je vous laisse chercher, je suis sûr que vous allez en trouver des dizaines, parce que tout comique veut prouver qu’il peut aussi tenir des rôles dramatiques. Tout simplement, parce que c’est plus facile de faire pleurer que de faire rire, et que le public, ignorant ce détail, admire davantage la « performance ». Il a tort, évidemment.