Tous coupables... mais de quoi ?

Publié le par Yves-André Samère

S’il revenait de l’au-delà, il serait fier, George Orwell, de constater qu’il n’était pas tombé loin : les télécrans-espions de son 1984, sous une autre forme, on les a. Pourtant, il serait peut-être surpris de constater que sa société totalitaire, par laquelle il désignait plutôt la dictature soviétique, est en passe d’être réalisée par des partisans du libéralisme économique. Comme quoi, les extrêmes se touchent.

Toujours est-il qu’on se rapproche de plus en plus de cette forme de vie où tout citoyen est présumé coupable. Et, chez nous, on n’a pas attendu Internet et les diverses variantes de la loi Hadopi pour lancer la mode. Tout cela a commencé bien avant.

Tenez, un simple exemple : lorsque le DVD est né, les éditeurs de ces précieuses galettes ont fait un petit Yalta à leur façon, ils ont partagé le monde en six, décidant seuls qu’un film vendu dans telle partie du monde ne pourrait pas être vu ailleurs que dans la zone où il a été acheté. Cette fantaisie commerciale, qui n’est pas du protectionnisme, mais non, qu’allez-vous penser ?, n’a AUCUNE base légale, et je n’ai jamais entendu dire que cette règle soit passée dans l’arsenal législatif d’un quelconque état. C’est pourquoi, tout acheteur d’un lecteur de DVD pense immédiatement à faire « dézoner » son gadget, afin qu’il puisse lire n’importe quel DVD. C’est fait quasiment au vu et au su de tout le monde, mais, théoriquement, les éditeurs pourraient porter plainte contre les horribles délinquants que nous sommes.

Là où l’on commence à rire, c’est que les fabricants de lecteurs de DVD ont immédiatement saisi l’astuce, et se sont arrangés pour fabriquer des lecteurs « dézonables ». Il suffit de chercher un peu sur Internet pour dénicher le truc pouvant s’appliquer à la marque qu’on a élue. Pour ma part, j’en suis, depuis 1999, à mon troisième lecteur de salon, et je les ai tous dézonés, le premier moyennant finances parce que je n’y connaissais alors rien, les deux autres, en me débrouillant par moi-même. Et l’on atteint le sublime en matière d’hypocrisie quand la même firme vend des DVD protégés et des lecteurs dézonables, jouant ainsi sur les deux tableaux.

On s’éloigne d’Orwell ? Pas tellement : nous sommes tous coupables de quelque chose, même si on ne sait pas de quoi.

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