Aaargh !
Peu de gens savent qu’il existe deux verbes français très semblables par leur orthographe mais qui diffèrent par la prononciation, arguer et argüer. Par erreur, le second est constamment prononcé comme le premier, dont presque tout le monde ignore l’existence !
Le verbe arguer signifie « passer un fil de métal par les trous de l’argue », cet instrument, l’argue, étant une filière qu’utilisent les bijoutiers, et destinée à réduire le diamètre d’un fil métallique, d’or ou d’argent. Son nom se prononce « arg’ », et on ne doit pas faire entendre le « U » du verbe correspondant, qui n’est là que pour durcir le « G ».
En revanche, l’autre verbe, qui est de la même famille que le mot argument, s’écrit avec un « U » qui doit être prononcé. C’est pourquoi l’Académie française conseille depuis longtemps d’utiliser un tréma pour distinguer cette lettre, le tréma étant justement un signe distinctif destiné à indiquer qu’une lettre se prononce ! De sorte qu’on doit dire « ar-gU-er », et que rien n’est plus ridicule que la prononciation de ces zozos qui, n’ayant jamais fourré leur nez dans un dictionnaire, ignorent ce détail et font rimer argUer avec léguer, briguer ou… reggae ! Et son participe présent, arguant, avec le nom du personnage central dans Le malade imaginaire de Molière…
À ce propos, j’ai l’immense regret, pour sa mémoire, de faire observer que Marguerite Yourcenar, première femme à entrer à l’Académie française, a précisément commis cette faute de prononciation dans son discours de réception, en 1980. Où d’ailleurs, elle n’a plus remis les pieds après cette cérémonie. Mais François Fillon dirait d’elle, si cela se passait aujourd’hui, et comme pour Eva Joly, qu’elle n’avait pas « de culture très ancienne des valeurs françaises », puisqu’elle était belge. Et il doit connaître la question, sa femme est anglaise ! Elle sait prononcer argüer, au moins, Penelope ?