Au malheur des romanciers

Publié le par Yves-André Samère

Lorsqu’on est friand, à l’instar de votre (très humble) serviteur, de ces petits faits dignes de la Noix d’Honneur du « Canard enchaîné » (et vous avez vu que « Le Canard » lui-même n’est pas épargné), on jubile à la lecture de ce fait divers. Dégustez.

Lalie Walker écrit des romans noirs. Son dernier livre, publié à l’automne 2009, s’intitule Aux malheurs des dames, évidente référence au roman d’Émile Zola Au bonheur des dames, publié en 1883, et dont l’action se situait dans l’univers naissant des grands magasins. Tout comme Zola, madame Walker décrit l’univers du commerce, et situe son intrigue au Marché Saint-Pierre, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Naturellement, il se passe dans son roman des choses pas très catholiques, comme dirait notre ami Georges Frêche, sinon il n’y aurait pas de roman policier : la disparition d’une caissière, suivie d’une autre, des poupées vaudous clouées aux portes du magasin, et surtout le comportement étrange de ses directeurs, les frères Michel. Mais l’auteur fait précéder son texte d’un avertissement, « Si le Marché Saint-Pierre existe bel et bien, [...] tout ici est fiction ».

Il se trouve que le Marché Saint-Pierre est géré par une société, Village d’Orsel, qui appartient à la famille Dreyfus, et qui s’estime diffamée. De sorte que son directeur général cite à comparaître devant le tribunal correctionnel l’auteur et son éditeur, argüant que « Marché Saint-Pierre » est une marque déposée (sic), qu’on ne peut la citer sans son autorisation, et que l’auteur du roman est « téléguidé » par deux employés licenciés de son entreprise en 2006, « animés d’un sentiment de haine et de vengeance à l’endroit de messieurs Elbaz et Gabbay et du désir de voir péricliter le magasin » (resic) – employés qu’il traîne également en justice, pour faire bon poids.

Audience le 17 avril devant la XVIIe chambre. On va rire. En cas de condamnation du roman, il va falloir traîner en justice l’auteur du Da Vinci code pour avoir situé un crime au Musée du Louvre !

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