Délit d’opinion

Publié le par Yves-André Samère

En France, nous nous croyons en république, mais c’est une de ces illusions dont nous nous berçons. Si nous étions réellement en république, le délit d’opinion n’existerait pas. Or il existe, et voici deux exemples.

L’année dernière, chacun était exaspéré par les provocations de Dieudonné, ex-artiste humoriste qui a basculé dans la propagande politique de la pire espèce : l’antijudaïsme. Et comme les textes de ses sketches étaient truffés de plaisanteries visant les Juifs, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, pas encore Premier ministre, a voulu prendre un arrêté pour interdire un de ses spectacles, à Nantes. C’était une forme de procès d’intention, puisque le délit n’avait pas encore été commis à cet endroit précis, et une façon d’officialiser le délit d’opinion, puisqu’on entendait punir quelqu’un, non pas pour ce qu’il faisait, mais pour ce qu’il disait – ou avait dit, ou, pis, allait dire. Entendons-nous bien : je ne défends pas Dieudonné, qui me dégoûte, que je méprise, et dont je souhaiterais bien qu’il cesse ces activités. Mais, au regard de la loi et des principes de la République française, cet arrêté ne pouvait pas être pris.

Second exemple, qui visait cette fois les excités de la Manif pour tous, autrement dit, les sacro-saintes familles opposées au mariage homosexuel. Selon moi, elles étaient dans leur tort, mais la police également, puisque ont été arrêtées, emmenées au poste, fouillées et questionnées jusqu’à deux heures de suite, des personnes qui n’avaient commis aucun délit. On leur reprochait seulement d’avoir... porté un T-Shirt arborant un dessin, sans aucun slogan, et représentant un père et une mère tenant leurs deux enfants par la main ! Comment qualifier le « délit » ? Les procès-verbaux rédigés à cette occasion ont été des chefs-d’œuvre du burlesque. On a ainsi pu lire qu’il s’agissait d’une « organisation d’une manifestation ludique sans autorisation spéciale » ou d’une « gêne à la tranquilllité des promeneurs par affichage ostentatoire d’éléments relatifs à une manifestation interdite » (sic). Ils savent rédiger, nos chers policiers. Aucune mention d’une quelconque amende ne figurait sur le document, attendu que ces délits n’existent pas, mais le contrevenant supposé était certain de devoir passer devant un tribunal de police. Bref, du simple harcèlement, sans fondement légal. Et là encore, je ne prends pas la défense de ces retardés (je ne parle pas des policiers), je note simplement une irrégularité, eu regard aux fondements d’une véritable république.

Mais nous pouvons toujours rêver d’en avoir une, un jour.

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