Le ping-pong de la notation
Chez nous (je veux dire : en France), la plupart des ministres de l’Éducation nationale ont voulu imprimer leur marque sur leur ministère, et de la façon la plus pratique pour eux : en cassant ce qui existait déjà pour le remplacer par... n’importe quoi.
En ce moment, deux modes cohabitent. L’une consiste à prétendre que noter les élèves relève du fascisme, que cette pratique va les traumatiser à tout jamais, et que chacun y gagnerait si on gommait les différences en n’ayant plus, par exemple, une échelle de 0 à 20 (avec tous ces intermédiaires que permettent les demi-points et les quarts de point), mais une échelle de A à F, donc avec seulement cinq degrés – non je ne me suis pas trompé, lisez plus loin. Quoique, à vrai dire, là-bas, ils font un peu comme les agences de notation, ils utilisent aussi aussi des subdivisions hypocrites : A+ et A- ; B+, B et B- ; C+, C et C- ; D+ et D ; puis F tout seul (et pas de E, d’où les cinq degrés, et comprenne qui peut ! Cette lettre doit porter malheur, comme l’étage 13 dans les hôtels). On appelle ça le grade point average, ce qui signifie « moyenne générale ». Or nous savons que TOUT ce qui se fait aux États-Unis est parfait, et que nous ne saurions snober leurs façons de procéder.
En revanche, l’autre mode dont je parlais en commençant agit exactement en sens inverse : on a songé à évaluer les instituteurs et les professeurs « au mérite ». Ce qui implique que la carrière d’un individu dépendrait de la note que lui attribuerait un inspecteur, avec tout ce que cela sous-entend d’antipathie réciproque, génératrice possible de « mauvaise note », et si vous croyez que les inspecteurs de l’Éducation nationale sont strictement objecfifs, vous vous enfoncez le doigt dans l’œil et ne connaissez bien ni le métier ni ceux qui l’exercent.
Bref, d’un côté, la note est brutale, arbitraire, décourageante et nuisible, et de l’autre, elle est bénéfique, efficace, juste et vachement motivante.
Absurde. Car, s’il est bien plus facile de noter une dictée ou un devoir de mathématiques, puisque cette notation se fonde sur des faits objectifs, comment noter le comportement d’un individu ? On a vu des instituteurs échouer à leur C.A.P., parce que leur tête ne revenait pas à l’inspecteur qui décidait SEUL s’ils devaient l’avoir ou pas.
Mais, comme disait le président du tribunal qui jugeait l’affaire Ben Barka : la question ne sera pas posée !