Salman Rushdie au Grand Journal

Publié le par Yves-André Samère

Hier soir, au Grand Journal de Canal Plus, un invité qui pour une fois n’était pas l’un des habituels ringards : Salman Rushdie. En effet, il publie un roman très autobiographique, Joseph Anton, et il était le matin même sur France Inter. J’ai, bien entendu, lu Les versets sataniques, c’est un chef-d’œuvre, pas du tout offensant pour les musulmans (Rushdie est issu d’une famille indienne musulmane), et, tout en notant qu’on ne lui a pas encore donné le Prix Nobel de Littérature mille fois mérité, alors que son grand rival Vidiadhar Surajprasad Naipaul l’a eu en 2001, on ne peut éprouver que du mépris pour, non seulement les criminels crétins qui l’ont condamné à mort, mais aussi pour les démagogues ayant tenu sur son livre des propos qui dépassaient la moyenne de la stupidité admise, même en milieu politique.

Au nombre des premiers, rappelons que le plus rapide à condamner et à faire interdire ce livre prodigieux ne fut pas l’ayatollah Hadj Sayed Rouhollah Moussavi Khomeiny (c’était son nom), dictateur religieux iranien, auteur d’une belle série d’inepties (j’ai lu un de ses livres, un recueil de « pensées » intitulé Principes politiques, philosophiques, sociaux et religieux, si profond et si documenté qu’il plaçait Jeanne d’Arc, CHRONOLOGIQUEMENT, avant Napoléon), mais un type qui jouissait de la considération internationale parce que sa mère avait été assassinée, à savoir Rajiv Gandhi, Premier ministre de l’Inde, qui succédait donc à sa génitrice PUISQUE l’Inde est une démocratie – et qui du reste finit exactement de la même façon. On avait lu au fils Gandhi un court extrait du roman de Rushdie, et il en avait conclu que, fissa, il devait interdire ce livre, lequel, donc, il n’avait pas lu – et Khomeiny non plus, vous imaginez bien, on ne va tout de même pas lire les livres avant de les prohiber et de condamner à mort leur auteur. Or, en Europe, nul officiel, pas même le président Mitterrand, qui se laissait pourtant qualifier d’« écrivain » par ses porte-coton (rions !), n’a jamais songé à inviter en France ce Rushdie, citoyen britannique donc européen, en principe libre de circuler chez nous, alors que par trois fois, à l’époque, il avait sollicité une invitation : courageux, mais pas téméraires, les officiels français. À la même époque, toujours en Europe, quelques têtes pensantes avaient AUSSI déclaré que le livre de Rushdie était impie, qu’elles condamnaient fermement ce soi-disant écrivain (sic), et qu’elles n’avaient pas l’intention de le lire, ce qui est une façon inédite de s’informer, surtout lorsqu’on prétend donner publiquement son avis. Parmi ces défenseurs de la tolérance et de la littérature, Margaret Thatcher, et un certain Jacques Chirac, dont le nom vous dit peut-être quelque chose

Je ne saurais terminer sans un mot gentil sur le public du Grand Journal. Il y a trois ou quatre ans, Denisot avait invité Steevy Boulay, qui sortait un disque dans lequel il disait (il ne chantait pas encore) des textes pour enfants, œuvre majeure dont je suis surpris qu’elle n’ait pas remporté le prix de l’Académie Charles-Cros. Eh bien, lorsque mon cher Steevy entra dans le studio, tous les spectateurs, avec un bel ensemble, se levèrent. Si-Si !

Hier soir, quand Rushdie est arrivé dans le même studio, chacun est resté coi, les fesses vissées aux banquettes. C’est à cela qu’on reconnaît une grande nation.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
Oui, et c’est Line Renaud qui a cassé le vase de Soissons. Blague à part, Khomeiny a bien écrit ce genre de preuve historique. Hélas, je n’ai pas retrouvé le livre.
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J
Mince j'ai raté un truc ?! Jeanne D'Arc, c'est bien avant Napoléon, non ?!
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Y
En effet. Et comme les spectateurs doivent s’inscrire par téléphone, il faut en conclure que le Grand Journal (le Petit aussi) demande leur âge aux gens avant de les admettre sur la liste. On<br /> imagine : « Ah non, monsieur, je regrette, je ne peux pas vous inscrire, vous êtes trop vieux ». Très élégant !
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D
C'est à cela qu'on reconnaît comment les gens de Canal Plus recrutent leur public : beaux, jeunes, et ...
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