« Le camp des saints »

Publié le par Yves-André Samère

J’ai un ami franc-maçon, qui a un tas de copains plus ou moins racistes. Sachant que lui ne l’est pas, raciste, je m’étonne un peu qu’il ne les envoie pas balader, comme j’ai envoyé balader un de mes copains après l’avoir découvert antijuif et admirateur de Dieudonné. Mais passons.

Cet ami reçoit donc de multiples messages de types que je ne connais pas, et qui le bombardent de références vers des sites antimusulmans ; le dernier, je l’ai reçu reçu ce matin, et aussitôt viré, car je commence à connaître la musique, laquelle est immuable : la France est en danger, il urge de se protéger contre les mahométans. C’est le seul point commun entre ces excités et Brigitte Bardot.

En 1973, l’écrivain très à droite Jean Raspail avait publié chez Robert Laffont un roman, Le camp des saints, dont on reparle beaucoup en ce moment car il a été réédité en 2011, à l’occasion de ces malheureuses expéditions maritimes que les pauvres du tiers-monde lancent sur la Méditerranée, avec ce résultat immuable que vous savez : si les Italiens ne se portent pas fissa à leur secours, ils se noient, et la mer devient un cimetière marin auquel Paul Valéry n’aurait jamais songé.

Dans ce livre, Raspail imaginait que cent navires, chargés d’un million de réfugiés, venus du continent indien, échouaient entre Nice et Saint-Tropez, et se livraient à pas mal d’exactions – que je vous laisse imaginer. Et il avait cette phrase délicieuse, que je cite seulement de mémoire : si d’autres s’y risquent, « ils trouveront à qui parler ». Convenez qu’elle déborde d’humanité, cette phrase. Le sous-entendu était clair : nous avons des forces armées, auxquelles des réfugiés à mains nues ne pourront jamais s’opposer, ou alors ils seront exterminés.

À vrai dire, les passeurs qui, à prix d’or, les entassent sur des bateaux dont les tôles ne tiennent plus que par la peinture, sont les auxiliaires les plus précieux de notre défense nationale, et notre armée n’aura même pas à écarter le petit doigt de nos soldats de la couture de leur pantalon.

Raspail est militant royaliste, mais pas à la manière de Stéphane Bern, qui est le gars le plus pacifique que je connaisse. Lui est plutôt adepte de la castagne, et son roman, nous dit-on, a fasciné Ronald Reagan et... François Mitterrand ! On reconnaît l’humaniste que les Français regrettent tant, puisqu’ils le classent juste après Chirac dans la liste des présidents qu’ils préfèrent. Qui a dit qu’ils avaient « la mémoire courte » ? (Ah zut, c’est Pétain. Je retire ma question).

En mars, dans « Libération », l’excellent Daniel Schneidermann, qui a continué sur Internet Arrêt sur images, son émission de jadis sur France 5, d’où on l’avait viré, qualifie Le camp des saints de « livre raciste ». Je souscris, c’est bien l’impression qu’il m’a laissée : un brûlot d’extrême droite. Le Pen et sa fille ont dû adorer. Lucide, l’auteur a lancé cette provocation : indiquer, en annexe à la fin de son roman, quatre-vingt-sept passages susceptibles de lui valoir des poursuites en justice !

Mais la justice, toujours prompte à coller six mois fermes de taule à un jeune Arabe qui aurait piqué une mobylette, n’est pas sortie de sa léthargie. Quel merveilleux Garde des Sceaux nous avons ! Il est vrai que Raspail a soigneusement collectionné toutes les lettres élogieuses qu’il a reçues de responsables politiques depuis la première édition : Mitterrand, Badinter, Chevènement... Du beau linge !

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

S
Camp des Saintes ? Sainte Crétine priez pas pour eux !<br /> Une ânerie pour la parité, écrite par une ânesse qui se voulait papesse.
Répondre
Y
Il n’y a plus ni papesse ni première dame. Tout fout le camp...
J
Je vais ici faire étalage de mon inculture, mais le boulevard Raspail parisien, c'est en hommage à ce monsieur ?
Répondre
Y
Non, Raspail était un chimiste né en 1798.