Déboulonnons : Colbert (1)
Vous en êtes restés à l’image d’Épinal – que votre institutrice vous a fourrée dans le crâne – et qui faisait de Colbert un ministre sérieux (comme ils le sont tous dans notre pays : voyez Jean-Yves Le Drian, qui s’est assis sur la règle interdisant le cumul des mandats ; ou Ségolène Royal, qui collectionne les reculades en feignant d’avancer ; ou Myriam El Khomri, qui se fait ridiculiser à la radio par Jean-Jacques Bourdin, parce qu’elle ne connaît pas ses dossiers), et vous ne connaissez de Colbert que le passionné de travail, se frottant les mains de contentement lorsqu’il découvrait, le matin, son bureau chargé de dossiers à traiter ? Eh bien, on vous a roulés dans la farine, car le vrai Colbert était d’un autre calibre. Mais il jouissait de la confiance totale de Loulou-la-Fistule, parce qu’il avait accepté d’élever dans sa propre famille le fils adultérin que Sa Majesté avait eu avec Louise de La Vallière, le pauvre Louis de Bourbon, comte de Vermandois, qui devint encombrant quand sa mère, rongée du remords d’avoir été à dix-sept ans la maîtresse du roi sans la bénédiction de Dieu, décida de se retirer du monde et d’entrer au Carmel de la Rue Saint-Jacques le 4 juin 1675. Drôle de mère, soit dit en passant, qui abandonne ses enfants (elle avait eu aussi une fille, et deux garçons, Charles et Philippe, morts auparavant) pour expier le fait de les avoir eus !
Pourquoi pauvre Louis de Bourbon ? Parce que son royal père découvrit son homosexualité quand le garçon eut quinze ans, or il « haïssait à mort ces sortes de débauches » (sic – déjà, avec son propre frère...), et qu’il le fit battre à coups de canne « jusqu’au sang » par un domestique, avant de l’envoyer à la guerre, où, bien entendu, il mourut (« d’une forte fièvre », dit-on), à seize ans. Ayez donc des parents !
Ce qui précède n’est qu’une entrée en matière, car, dans les jours qui suivent, je vais m’occuper de Colbert, qui s’est prodigieusement enrichi, et s’est ingénié – avec succès – à faire arrêter et condamner Nicolas Fouquet, ce qui lui permit... de prendre sa place. Mais il a fait pis, et je vous le raconterai. Un véritable salopard, le grand ministre. Encore un déboulonnage en perspective.
(Je suis bien placé, géographiquement, puisqu’il est enterré à deux pas de chez moi, dans l’église Saint-Eustache, en compagnie de Marivaux et de... Scaramouche ! Qui valaient infiniment mieux, mais n’étaient QUE des artistes)