Cyrano : 5. l’homosexuel

Publié le par Yves-André Samère

Edmond Rostand fait de Cyrano une sorte de romantique avant l’heure, amoureux sans espoir de sa cousine Madeleine Robin, dite Roxane, et se sacrifiant pour la réunir à l’homme qui en était amoureux, Christian de Neuvillette – au point d’écrire pour cet homme les lettres d’amour destinées à son aimée.

Or c’est très peu probable ! Parce que Cyrano, en fait, était homosexuel. Son ami Le Bret évoque cela à mots couverts, rapportant qu’il montrait « une si grande retenue envers le beau sexe, qu’on peut dire qu’il n’est jamais sorti du respect que le nôtre lui doit ». Évidemment, ce n’est pas très précis, mais cette manière de qualifier l’indifférence aux femmes est typique de cette époque du langage fleuri, et l’aventure de Cyrano avec d’Assoucy fut publique et tapageuse.

Charles Coypeau d’Assoucy, musicien et poète, avait quatorze ans de plus que Cyrano, et c’était un homosexuel notoire, attiré par les très jeunes gens. Tous deux avaient quelques points communs : un père avocat, des frères et sœurs entrés en religion, et tous deux étaient athées. Savinien, à dix-sept ans, fut l’amant de Claude-Emmanuel Luillier, dit Chapelle, qui avait alors quatorze ou quinze ans, et logea chez lui, avant que Chapelle rencontre d’Assoucy, et le tandem devint un trio. Mais l’idylle tourna mal, Cyrano et d’Assoucy se brouillèrent, et s’ensuivit une polémique par libelles interposés, dont cette satire du premier contre le second, intitulée Satire contre Soucidas (anagramme de d’Assoucy), qui circulera en manuscrit avant d’être publiée en 1654, et dans laquelle il l’apostrophe en ces termes : « Vous qui ne tenez lieu de rien au monde ou qui n’êtes au plus qu’une gale aux fesses de la nature ; vous qui tomberez si bas, si je cesse de vous soutenir, qu’une puce en léchant la terre ne vous distinguera pas du pavé ; vous, enfin, si sale et si bougre qu’on doute en vous voyant si votre mère n’a point accouché de vous par le cul ».

Qu’en termes galants on savait alors s’exprimer ! On est loin des prétendues lettres d’amour de Christian à Roxane.

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