Les lieux les plus sûrs

Publié le par Yves-André Samère

Vous n’avez pas pu ne pas être frappé par le phénomène, car vous êtes au moins aussi observateurs que moi (ce n’est pas peu dire) : chaque fois qu’un attentat se produit quelque part, et tout spécialement dans un endroit touristique, aussitôt, des masses de touristes qui avaient fait une réservation pour leur séjour ANNULENT leur réservation. Comme quoi, Descartes avait raison, le bon sens est la chose au monde la mieux partagée. Et voilà comment ces cohortes de blaireaux ont plongé un pays pauvre comme la Tunisie, dépourvu de toute ressource autre que le tourisme, dans un marasme qui ne s’imposait pas vraiment, après la dictature du cher copain de Michèle Alliot-Marie.

Réfléchissez un instant, bande de nazes – je parle aux touristes annuleurs. Au contraire de la foudre qui, malgré la légende, peut très bien tomber deux fois de suite au même endroit, on n’a jamais constaté, en temps de paix, que deux attentats se soient produits deux fois de suite en un même lieu. Et pour la bonne raison que, après TOUS les attentats qui ont si bien fourni aux bavards de tout poil de quoi venir étaler leur science dans les radio-télés ces dernières années, la police, sous ses diverses formes, a régulièrement flingué les massacreurs, pour ne pas laisser trop attendre les soixante-douze vierges qui piaffent d’impatience au paradis d’Allah. Et comme ces raclures (je vise les manieurs de kalachnikovs, là, pas les soixante-douze dames) n’appartiennent pas au monde des morts-vivants imaginés par Romero, il y a peu de chances qu’ils reviennent fignoler le travail.

Moi, si j’étais d’humeur à faire du tourisme, j’irais à Tunis visiter le musée du Bardo (attentat le 24 novembre 2015), me faire rôtir la couenne à l’Hôtel Imperial Marhaba de Port El-Kantaoui (attentat du 26 juin 2015), prendre l’avion à l’aéroport de Bruxelles (attentat du 22 mars 2016), traîner mes guêtres autour de l’ambassade de Russie à Kaboul (attentat du 20 janvier 2016), faire mon marché à Ouagadougou le 15 janvier de cette année, visiter la Mosquée Bleue d’Istanbul (attentat le 12 janvier), me laisserais tenter par un verre au Pulse d’Orlando (attentat le 13 juin dernier), et, qui sait ?, irais probablement une fois de plus au Bataclan, puisque ça m’était arrivé à plusieurs reprises déjà. Eh oui, tous ces endroits sont devenus les plus sûrs du monde. Mais chut, ne le dites pas trop fort, c’est de mauvais goût : si on ne peut plus jouer à se faire peur ou à effrayer ces bonnes gens dont parlait Brassens, à quoi bon travailler dans les médias ?

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