An mille : au secours !
On entend souvent dire que l’approche de l’an mille a provoqué des paniques, sur le thème la-fin-du-monde-est-proche. La vérité est moins sombre, pour la raison qu’au Moyen-Âge, on se souciait peu des dates (par exemple, la date de naissance de Jésus ne faisait pas l’objet de débats comme aujourd’hui, car tout le monde s’en fichait et que très peu de Français connaissaient jusqu’à leur propre date de naissance !), et que si les mouvements de terreur se seraient abattus sur les populations, ce serait par crainte de la fin du monde et de l’avènement supposé du « Jugement dernier »... qui n’empêchait pas grand-monde de dormir.
Toutes ces croyances seraient nées d’un passage de l’Apocalypse selon Jean, texte écrit au premier siècle de notre ère, et qui disait : « Puis je vis un Ange descendre du ciel ayant en main la clé de l’Abîme ainsi qu’une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon et l’antique Serpent [Satan] et l’enchaîna pour mille années. Il le jeta dans l’Abîme, tira sur lui les verrous, apposa les scellés afin qu’il cessât de fourvoyer les nations jusqu’à l’achèvement de mille années. Après quoi il doit être relâché pour un peu de temps ». Ces élucubrations valaient-elles tout ce tapage ?
Tous ces récits rapportés au fil des ans sont passablement erronés, notamment à cause des raisons suivantes. D’abord, « saint » Augustin ouvrit le feu en déclarant que cette période de mille ans devait être considérée comme une interprétation « spirituelle » du millénarisme, et pas comme une période précise et arithmétique. Sa durée serait indéterminable pour le commun des mortels. Trente ans plus tard, le concile d’Éphèse condamne à son tour le sens littéral du millénaire. Mais pourquoi ces sornettes restent-elles dans les mémoires des hommes de notre temps, en dépit de leur caractère évidemment bidon ? Alors que, même de nos jours, la plupart de nos contemporains ignorent à quelle date du calendrier ils vivent, puisque ce calendrier grégorien est fondé sur une date plus que douteuse, l’année de naissance de Jésus, que nul ne connaît, pas même le pape (l’un de nos papes modernes, Benoît XVI, a avoué en 2012 qu’il ne savait RIEN de la date probablement fausse de cet évènement, à supposer que ledit évènement ait jamais eu lieu !).
Rappelons que cette date hypothétique a été choisie par un moine, Denys le Petit, mort vers 540, et que cette date n’est prise au sérieux que par un petit nombre d’ecclésiastiques, en manque de repères comme tout le monde, et qui ont un intérêt financier à entretenir ces sottises : ne pas perdre leurs clients ! Pensez au mythe de la Crèche et de ses « trois rois mages », dont le véritable nom est totalement inconnu. Mais pour le commun des mortels, tout ça est très abstrait, et sa seule trace est... le calendrier, qui diffère selon les pays.
Je rappelle, histoire de rire un peu, 1. que Jeanne d’Arc a reconnu au cours de son procès qu’elle ignorait son âge, et 2. que Cervantès et Shakespeare sont morts tous les deux à la même date, mais pas le même jour, puisque l’un vivait en Espagne, l’autre en Angleterre, et que ces deux pays avaient des calendriers différents ! Et même chez nous, ultra-civilisés, nombre de nos compatriotes, qui n’ont rien compris, croient dur comme fer que le vingt-et-unième siècle a commencé le premier janvier 2000, alors qu’il n’a débuté qu’un an plus tard. Facile à comprendre : puisque l’an zéro n’a jamais existé en ces temps lointains (le NOMBRE zéro n’est apparu qu’une fois inventé, donc vers le septième siècle, en Inde), il s’ensuit que les siècles commencent tous en l’an 1 !