Primes à l’échec

Publié le par Yves-André Samère

On a beaucoup parlé de la Société Générale, où d’ailleurs le ménage a été fait (le directeur des activités de banque de financement et d’investissement, Jean-Pierre Mustier, a été viré, et son président, Daniel Bouton, est désormais président « non exécutif », c’est-à-dire sans pouvoir – ah le beau langage de la finance !).

Mais on a moins parlé l’Alcatel-Lucent. Cette société, qui s’appelait autrefois Compagnie Générale d’Électricité, avait changé de nom pour tenter de faire oublier le scandale provoqué par son ancien président, Pierre Suard, qui confondait un peu son portefeuille avec celui de la compagnie (on appelle ça « abus de biens sociaux », parce que « vol », c’est désobligeant et grossier dans ce milieu), et avait estimé, à la télé, qu’il était peu payé en comparaison de ce qu’on gagne aux États-Unis. Bref, la CGE était devenue Alcatel, et Serge Tchuruk la présida seul quelques années, avant la fusion avec Lucent, compagnie états-unienne, qui imposa Patricia Russo comme directrice générale. Or Alcatel est dans les choux depuis une décennie : rien qu’en 2007, la valeur de l’action Alcatel-Lucent a été divisée par deux ! Mieux : l’action Alcatel, qui valait 97,05 euros le 4 septembre 2000, n’en valait plus que 2,05 deux ans plus tard – quarante-huit fois moins...

Eh bien, le brillant tandem Russo-Tchuruk est toujours en poste, et sa directrice générale s’est fait attribuer des stock-options à un prix d’ami, 20 % inférieur au cours de l’action. Ce qui signifie qu’elle peut acheter à ce prix d’ami un (gros) paquet d’actions de la société qu’elle dirige, et les revendre quand – et si – le prix monte. Si le prix ne monte pas, elle n’achètera tout simplement pas (on dit que les stock-options « ne sont pas levées »). Gagner sans risquer de perdre, pratique.

Patricia aura droit également à un parachute doré de six millions d’euros, attribué à des conditions que la dernière assemblée générale de la société a estimée « ridicules » : atteindre 90 % de l’objectif de chiffre d’affaires, et 75 % de l’objectif de résultat opérationnel. Traduction : Pat aura ses six millions, à moins qu’elle ruine complètement sa société à la veille de s’en aller.

À noter que la société de gestion Phitrust Active Investors avait envisagé de déposer une résolution contre le couple Tchuruk-Russo : interdire toute attribution de stock-options et d’actions gratuites au président et à la directrice générale jusqu’à ce que la compagnie gagne enfin de l’argent et distribue un dividende aux actionnaires, ce qui n’est pas demain la veille. Mais elle n’a pas récolté assez de voix, et ce beau projet est tombé à l’eau.

Il y a une providence pour les patrons incapables ! Et maintenant, imaginez qu’un simple employé se montre aussi peu efficace...

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