Cannes, un évènement ?

Publié le par Yves-André Samère

J’ai un gène défectueux, c’est manifeste. Toute incitation à me faire faire quelque chose provoque en moi la réaction contraire. Si on me demande de m’indigner, je me marre en douce, sachant bien que je n’obtiendrais rien de mon indignation, qui d’ailleurs ne me vient pas si naturellement. Si un film multiplie les effets de violon pour me faire pleurer, je ricane. Si on veut me pousser à rêver, je m’endors d’un sommeil sans rêves, ou je pars. Si on veut me convaincre de voter pour Mélenchon ou sa fausse rivale Marine Le Pen, je vote pour Bayrou. Si on me jure que les oignons cuits améliorent le goût de ce que je mange, je repousse mon assiette et je sors pour aller vomir. Et si on m’assure que le rap est la musique du moment et même de l’avenir, je me passe une chanson d’Ella Fitzgerald ou de Line Renaud (je préconise Pam Pou Dey), voire l’intégrale des Nocturnes de Chopin.

Ainsi, en ce moment, on tient absolument à nous persuader que l’évènement, c’est le festival de Cannes. Lorsque, vers mes dix ans, j’ai compris que j’étais devenu cinéphile sans le savoir, j’ai rêvé d’y aller un jour et de me gaver de films. Naïf que j’étais, j’ignorais alors deux détails : un, que seuls les journalistes et les gens de télé sont admis aux projections, pas le public ; et deux, que Cannes, en dehors des noubas nocturnes – et des exhibitions qui en mettent plein la vue aux foules de ploucs parquées derrière des barrières et venues pour voir comme chaque année Eva Longoria et Brad Pitt –, n’est pas un festival, mais une vulgaire foire. On y discute gros sous et parts de marché, tout comme, à la Bourse de Chicago, on débat du cours du cacao, mais les véritables festivals, ceux qui décernent des prix à de vrais films de qualité, ils sont à Venise, à Berlin, à San Sebastián ; pas à Cannes (Toronto accueille un vrai festival, très réputé, mais il ne décerne aucun prix).

Depuis deux ou trois ans, j’ai cessé de regarder le Grand Journal de Canal Plus durant les douze jours où il se déplace à Cannes. Je ne supporte plus cet indicatif musical liquide, l’Aquarium de Saint-Saëns, vite devenu horripilant, qu’on nous inflige ces dernières années, et qui, là encore, veut nous inciter à rêver. Quant à ce défilé incessant de vedettes venant présenter leurs salades, il est humainement impossible à supporter, la brosse à reluire maniée par Denisot et ses acolytes tellement ravis d’être là me donne de l’urticaire. Alors, j’allume mon téléviseur à l’heure des Guignols et du Petit Journal, puis je l’éteins et fais autre chose.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

D
Pauvre Saint-Saëns,s'il avait su...
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