Des montres trop fragiles

Publié le par Yves-André Samère

Je lis pas mal de romans policiers, et parmi eux, beaucoup sont des romans de détection – ceux dans lesquels un détective toujours infaillible doit découvrir l’assassin. Ainsi, j’ai lu tout Agatha Christie, tout Conan Doyle (l’intégrale de Sherlock Holmes, lue deux fois, car je voulais vérifier que jamais Sherlock n’a dit « Élémentaire, mon cher Watson » ), et quelques autres. En aucun cas je ne trouve l’assassin avant la dernière page, sauf une fois, dans ce roman célèbre de la grande Agatha, Le meurtre de Roger Ackroyd, où l’assassin s’avère être... le narrateur. Qui, raffinement suprême, aidait Poirot dans son enquête ! J’avais trouvé étrange cette fin de chapitre où il raconte qu’il a essayé de persuader la future victime de faire quelque chose, et il concluait ce récit en disant que, lorsqu’il était sorti de la pièce dix minutes plus tard, il n’avait pas réussi à la convaincre : dix minutes, cela m’avait semblé un peu long. À propos, si quelqu’un connaît un roman policier dans lequel l’assassin se trouve être le lecteur, je suis preneur.

J’admets tout, car c’est amusant, mais un détail m’a toujours frappé, parce que là, il n’est guère crédible : très souvent, quand un crime a eu lieu, la montre de la victime a reçu un tel choc qu’elle s’est arrêtée, et donne alors avec complaisance l’heure du crime. Ce qui est bien pratique quand on mène l’enquête, mais j’ai tendance à ne plus gober ce truc, qui a énormément servi !

À vrai dire, le truc en question a été raillé dans le film de Sidney Lumet que j’ai revu cette semaine, Le crime de l’Orient-Express. Là encore, la victime avait une montre qu’on a découverte arrêtée à une heure et quart du matin. DONC, tout le monde a supposé que l’assassinat avait eu lieu à cette heure précise. Mais on ne roule pas si aisément Hercule Poirot dans la farine, et il a estimé que les indices étaient beaucoup trop nombreux et facilitaient trop complaisamment son enquête. Et, en effet, celle-ci a démontré que c’était l’instigateur du crime (en fait, il y avait eu... douze meurtriers !) qui avait volontairement retardé l’heure de la montre avant de la briser, afin de l’égarer.

Comme quoi, Agatha Christie était encore plus futée que ses millions de lecteurs. Mais cela, vous vous en doutiez déjà !

Publié dans Livres, Curiosités, Culture

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