Qu’est-ce qu’un film pour enfants ?

Publié le par Yves-André Samère

Cet après-midi, j’ai eu l’idée d’aller revoir le premier film de Joseph Losey Le garçon aux cheveux verts. Or j’ai eu la surprise de constater que la salle était remplie d’enfants en bas âge (moyenne d’âge, huit ans), où j’étais LE SEUL adulte – hormis une mère de famille et deux accompagnatrices, sans doute les institutrices des gosses.

Je me suis étonné auprès de quelqu’un de la direction, et on m’a dit que la salle avait été retenue par les organisateurs d’un festival annuel pour enfants. Je n’ai pas été surpris, car cela devient une habitude, qu’aucun dirigeant de la salle n’ait jamais vu le film.

Comme ce n’est pas un film très connu du « grand » public, qu’il date de 1950, et qu’il faut être un cinglé de cinéma comme votre (très humble) serviteur pour avoir eu vent de son existence, il est peu probable que vous le connaissiez. Après cinq courts métrages, Losey faisait ici son premier long métrage, et, très politisé (communiste, il a eu de si gros ennuis avec la Commission des Activités antiaméricaines, animée par McCarthy, qu’il a dû s’exiler et n’a plus travaillé aux États-Unis), il avait donc fait une fable politique sur la discrimination fondée sur la couleur de peau, agrémentée d’une parabole sur les ravages de la guerre, qui fabrique des infirmes et des orphelins. Tout à fait, donc, ce qui convient à une récréation du mercredi après-midi pour des gosses de huit ans.

Heureusement, la séance, commencée en retard, avait été précédée d’une présentation par une jeune femme qui a régalé les enfants d’un petit discours où est revenu au moins trois fois le mot thématique – une notion tout à fait familière aux « apprenants » des écoles primaires. Cela m’a fait ressouvenir de ces pontes du ministère de l’Éducation nationale qui, peu après 1968, avaient décidé que l’Histoire de France ne serait plus enseignée avec faits et dates dans l’ordre chronologique, mais sous forme de thèmes, comme en faculté. Avec le résultat triomphal que vous avez certainement connu, où Napoléon précédait Jeanne d’Arc, comme dans les écrits de l’ayatollah Khomeiny (oui, j’ai lu ça aussi, on ne se refait pas). 

Pour tout arranger, le film était en version originale sous-titrée. Quand on connaît l’aisance avec laquelle les enfants de cet âge maîtrisent la lecture, on n’était pas surpris de leurs réactions. J’ai entendu derrière moi une petite fille qui disait « J’aime pas, c’est triste », à quoi son petit voisin répondait qu’il détestait ce film.

Sales gosses ingrats ! Donnez donc des perles aux pourceaux.

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