Sur un point de grammaire

Publié le par Yves-André Samère

Un de mes lecteurs, apparemment habitué à fréquenter ce mauvais lieu où vous-même traînez présentement au lieu de remplir votre déclaration d’impôts, s’interroge (il a raison, il faut s’interroger souvent) sur le fait que, dans une récente notule, j’ai dit ceci : « Il n’en a pas fallu plus pour qu’une poignée de zozos s’en prennent à Jules Ferry ». Motif de son interrogation : le sujet du verbe s’en prendre paraît être le nom poignée, qui est au singulier, alors que j’ai donné au verbe la terminaison du pluriel. Y a-t-il faute d’accord ?

Je lui ai répondu que les grammairiens considèrent en général que le sens doit primer sur la règle APPARENTE. En d’autres endroits mieux fréquentés que celui-ci, comme la rédaction du « Figaro », on dirait que l’esprit prime la lettre. C’est bien mon avis, car enfin, dans la phrase incriminée, chacun comprend que ce n’est pas une poignée qui s’est attaquée à Jules Ferry (!), mais les zozos... Et donc, le sens de la phrase impose de mettre le verbe au pluriel, quand bien même cela troublerait les esprits.

Ma conviction, c’est que la grammaire française est d’une logique imparable, et que, lorsqu’on hésite sur l’application d’une règle, il faut revenir au sens profond de la phrase. Prenons un exemple que j’emploie quelquefois, parce qu’une foule de gens font la faute (vous avez remarqué ? Je viens de récidiver en mettant au pluriel un verbe, faire, dont le sujet semble être foule, un nom au singulier. Bien entendu, je fais exprès !). Cette faute a, par exemple, été commise par François Morel dans l’introduction du dernier spectacle de Didier Porte, quand il a accepté de dire ce texte incorrect : « Une spectatrice relativement âgée [...] s’est FAITE dévaliser par ses trois voisins ». Pourquoi la grammaire impose-t-elle de dire qu’elle s’est FAIT dévaliser ? Tout simplement, parce qu’à l’issue de l’opération de délestage, la dame était dévalisée, mais certainement pas « faite » ! Bref, pour s’accorder avec lui, le participe passé doit qualifier le sujet. Logique. C’est ainsi que, pour la même raison, des inepties comme « Cette fille s’est faite violer » ou « Jeanne d’Arc a été faite prisonnière à Compiègne » me font tordre de rire.

Le français, voyez-vous, c’est génial, comme disent les djeunz. En plus, c’est très facile. C’est pour cela que les étrangers le parlent mieux que nous.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
Bien sûr. C’est du même ordre : le sens avant les apparences.
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D
Ne pourrait-on pas reprendre "l'un et l'autre se dit ou se disent" ?
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