Deux fumisteries de Barnum (entre autres)

Publié le par Yves-André Samère

David Fontaine est rédacteur au « Canard enchaîné », où il rédige la moitié des critiques de cinéma paraissant en page 7, plus une poignée d’autres articles sur divers sujets. Or, comme la plupart de ses confrères, il se contente généralement de prendre son inspiration dans les dossiers de presse qu’on remet gratuitement à tous les journalistes invités dans les présentations. Faut comprendre : si, en plus, on doit voir les films, comprendre ce qu’ils racontent et en rendre compte honnêtement, on frôle le burn out, comme il faut dire aujourd’hui.

Fontaine a donc rédigé un article très élogieux sur The greatest showman, le film sur Barnum sorti il y a neuf jours. Or mon petit doigt me dit qu’il s’est contenté de recopier très sommairement ce qu’en dit Wikipédia. Passons. De mon côté, je connaissais sur Barnum l’essentiel de sa vie, vers mes douze ans, pour avoir lu sa biographie, Barnum roi du bluff, écrite par Alain Sergent. « Bluff » ? Aux États-Unis, on parlait de humbug, ou de puff, termes désignant la fumisterie, le charlatanisme, la tromperie, la duperie, et le verbe tromper. On ne saurait mieux dire, et voici deux fumisteries inventées par Barnum pour se faire connaître et devenir riche.

La première a consisté à faire publier dans les journaux une publicité invitant les curieux à venir voir dans son musée... une authentique sirène, découverte en mer ! Authentique ? En fait, il l’avait fabriquée lui-même en collant un torse de singe sur la moitié inférieure du corps d’un poisson. Évidemment, au bout de quelques jours, tous ces restes ont commencé à se décomposer, et il a fallu arrêter l’exhibition de la mythique sirène...

La deuxième a tenu plus longtemps : à vingt-cinq ans, donc en 1835, Barnum avait acheté (l’esclavage n’est pas encore aboli) une vieille femme noire de quatre-vingts ans, Joyce Heth, avait fait publier qu’elle avait été, dans sa jeunesse, la... nourrice de George Washington, et avait fait installer la pauvre femme au jardin Niblo, un lieu de spectacle de Broadway qui, à New York, venait d’inaugurer les transparents lumineux servant depuis peu à la publicité. Il fit aussi imprimer un mémoire « historique », et distribuer une quantité de portraits d’elle. Dûment chapitrée, la brave aïeule, presque totalement aveugle, totalement édentée, qui avait appris à dire qu’elle avait... cent-soixante-et-un ans (un âge auquel nul humain n’est jamais parvenu, si on laisse de côté les bobards de la Bible), se plaisait à raconter des anecdotes aussi inventées que pittoresques, à un public friand de détails sur son « cher petit George ». Je rappelle que George Washington était né en 1732 et mort en 1799. Trois grands journaux de New York couvrirent d’éloges cette survivante, qui partit en tournée dans toutes les grandes villes, et ne manqua jamais de dire qu’elle devait sa longévité à l’usage du tabac, car elle fumait la pipe depuis « cent-vingt-deux ans ».

Elle mourut chez le frère de Barnum, à Bethel, dans la nuit du 19 au 20 février 1836. Et comme Barnum ne put pas empêcher l’autopsie qui révéla le véritable âge de sa pseudo-nourrice, il publia dans le « Herald » que Joyce, en fait, n’était pas morte, et qu’une « source authentique » avait révélé qu’elle s’était retirée à Hebron, dans le Connecticut.

Ce bobard suffit à calmer le public. Mais cette affaire inspira un autre escroc, un missionnaire métis nommé Eleazar Williams, dont un confrère nommé Hanson résolut de faire croire qu’il était Louis XVII évadé de la prison de Temple, à Paris. Hélas, sa propre mère, qui n’était pas Marie-Antoinette, se manifesta et alla se présenter chez Hanson, qui hébergeait son fils.

Plouf, plouf, la vie parfois fait plouf !

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